Julien Fébreau était aux commentaires dimanche sur Canal +, lors de la victoire de Pierre Gasly à Monza. Il nous raconte ce moment unique vécu lors du Grand Prix d'Italie.
Deux jours après l'historique victoire de Pierre Gasly à Monza, difficile de redescendre de notre petit nuage, un peu à l'image de Julien Fébreau. Le journaliste qui commente la F1 sur Canal + depuis 2013, a complètement envahi la toile après la course qu'il a commentée aux côtés de Jacques Villeneuve dimanche. "Accélère, accélère" entend-on encore à la Parabolique de Monza.
Retour sur ces 48h de folie, teintées de joie, d'émotion et de sollicitations venues de toute part.
Auto-Live : Êtes-vous remis de vos émotions 48h après la course ?
Julien Fébreau : Pas tout à fait. J'ai l'impression que le souffle ne retombe pas, il y a toujours un nouvel élément qui vient remettre un peu de passion dans tout ça. J'avoue être un peu dépassé par l’ampleur des évènements. Je suis débordé par la quantité de message que je reçois. J’en ai sur tous les réseaux sociaux. Quand je vois toutes les parodies qui ont été réalisées à mon égard, je ne m’en remet encore moins. Je n'ose même pas imaginer ce que cela doit être pour Pierre Gasly, c’est quand même lui qui a remporté la course, ne l'oublions pas.
Quand le #Biathlon et la #F1 ne font qu'un, ça donne ça. ⬇🤩😅
Encore bravo et merci @Julien_FEBREAU @PierreGASLY et @martinfkde pour toutes ces émotions partagées. 🙏 pic.twitter.com/KVlleHLEb8
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🇫🇷 Petit plaisir du jour 😊@Julien_FEBREAU x @KMbappe 💨pic.twitter.com/LJrFo6T4T5
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A-L : Jacques Villeneuve l'a dit lui-même, l’entrée de la voiture de sécurité, c'était "comme boire un café, ça réveille." C'était ça le tournant du Grand Prix ?
J.F : Oui, clairement on a eu, dans un très court laps de temps, plusieurs évènements en cascade. On a senti que la course était en train de basculer et de prendre une autre tournure. Je n'irai pas jusqu'à dire que l'on a senti ce qui allait se passer au drapeau à damier, mais quand même. La relance, la pénalité d’Hamilton, le dépassement sur Stroll.… Ça sentait très bon.
A-L : C’est plutôt rare de pouvoir dire deux fois « rendez-vous au premier virage » ?
J.F : Je voulais la laisser à Jacques (Villeneuve) celle-ci, mais il ne m'a pas suivi du tout. Il nous a fait beaucoup rire.
A-L : Il reste 25 tours, Gasly est en tête. Le compte à rebours est lancé ?
J.F : On est dans une situation de rêve avec ce départ exceptionnel. C’est ce qu’il m’a expliqué hier au téléphone, il m'a dit : "J’attaque, j’attaque, quitte à détruire mes pneus pour creuser l’écart." Et très vite, l'écart est monté jusqu'à 4 secondes avec la voiture précédente. Cela s’est réduit progressivement, mais heureusement qu’il avait bâti ce capital temps avant. Pierre a exécuté le plan à la perfection.
A-L : Comment avez-vous géré ces 25 derniers tours ?
Julien Fébreau : Quand Pierre Gasly est premier, on commence à dresser le tableau de ce qu’il va se passer. On place le décor mais au bout d'un certain temps, il faut commencer à évoquer le moment historique qu’on pourrait potentiellement vivre. On y va doucement, parce qu’on ne veut pas lui porter la poisse. Même Christophe Dechavane m'a envoyé un texto pour me dire d'arrêter d'en parler ! Si je ne l’évoque pas, c'est que j'ai mal fais mon travail.
Quand on a commencé à se rapprocher de l’arrivée, j'ai laissé la main à Jacques Villeneuve. Je voulais être sur d'avoir toutes les informations : le nom de tous les vainqueurs français en F1, je ne voulais pas en oublier un seul, la date exacte de la victoire d'Olivier Panis en 1996. Il fallait aussi que je trouve un site pour calculer l'écart entre ces deux dates, tout en gardant un oeil sur la course bien évidemment. Je voulais être libéré de cette tâche pour les deux derniers tours.
* VIDEO. The Rapid Talk avec…Julien Fébreau, la F1 dans la peau
A-L : Plongeons-nous dans ce dernier tour de course, décris-nous l’ambiance dans la cabine de commentaire à ce moment-là ?
J.F : Nous ne sommes que tous les deux dans le studio. La régie est à côté et elle prépare déjà l’émission "Formula One, le mag" qui est juste derrière. Je me suis levé pour le dernier tour, mais sans m’en rendre compte. Je devais être bien sur mes appuis, quel que soit le résultat. Si Pierre Gasly l'emporte, j'enchaîne, mais si c'est Carlos Sainz, il faut assurer aussi. Je sais quand je me suis levé, mais je ne sais plus quand je me suis assis (rires).
A-L : Aviez-vous conscience que ces cinq derniers kilomètres peuvaient être historiques, pour Pierre Gasly comme pour vous ?
J.F : Non, pas du tout. À ce moment-là, je veux juste que mes mots sortent correctement. J’étais concentré sur la gestion du stress, parce qu'au fond on a tous envie de le voir gagner, de le porter comme les téléspectateurs le font devant leur télévision. J'estime avoir été dans la bonne émotion. J’essayais d’anticiper ce qu'il pouvait se passer dans ce dernier tour, les zones de DRS, les virages…
🔈 "ACCÉLÈRE ACCÉLÈRE !" 🏆🇫🇷
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— CANAL+ F1® (@CanalplusF1) September 6, 2020
A-L : "Accélère, accélère" vous savez que cette phrase a déchainé la toile ?
J.F : C’est sorti tout seul, il n'y avait plus de calcul. Quand j’essaye d’analyser pourquoi je dis ça, je vois que les feux de Pierre Gasly clignotent - cela veut dire que ces batteries sont en train de charger - c’est comme si vous posiez une dynamo sur un vélo, ça le freine. Je trouvais que c’était le mauvais moment - pour les recharger - j’avais peur qu’il ait perdu trop de temps. Quand j’ai vu la sortie du virage, je me suis dit qu'il n'y avait plus qu'à accélérer. Il n'y avait plus rien d’autre à faire.
A-L : Et là, le drapeau à damier, la victoire historique de Pierre Gasly emporte même votre voix au passage.
J.F : Elle m’a lâché, plus vite que prévu. Je ne m'en suis pas rendu compte sur le moment. C’était tellement fou, et il y a eu ce sentiment de libération. Enfin ! Pierre Gasly change de dimension, et même s’il ne remporte plus un seul Grand Prix de sa carrière, il entre dans l’histoire.
A-L : "Après avoir vu ça, on peut mourir tranquille" ?
J.F : Je ne vais pas dire ça, parce que c’est une marque déposée et qu’il faut respecter son auteur. Mais c’était un rêve de pouvoir commenter un tel évènement. Beaucoup de mes collègues m'ont envoyé un message pour me dire qu'il rêvait eux aussi que cela leur arrive. Comme je l’ai dit, c’était mon 12 juillet 1998 à moi. Maintenant qu'on y a goûté à nouveau, je dirai que j’en veux encore plus (rires).
A-L : Pendant votre carrière, vous avez douté de pouvoir vivre et commenter une telle course ?
J.F : On n'était pas résigné, car nous savions que nous avons des Français talentueux. Sans Magnussen, il n'y aurait pas eu de voiture de sécurité, ni même de pénalité pour Hamilton. C’est comme ça, c’est le sport. Et dimanche, il a fallu une addition d’évènements pour que cela se produise. Il ne faut pas oublier tout ce qu’Alpha Tauri a fait aussi. Quand on voit le visage de Pierre Gasly, concentré, sous drapeau rouge, on comprend. C’était très risqué de préparer une telle stratégie, soit ça passe, soit ça casse. Mais pour gagner, ils ont eu le courage d'aller jusqu'au bout.
A-L : C’était le plus beau Grand Prix que vous ayez pu commenter ?
J.F : Oui. Cela reste à ce jour mon plus grand commentaire en F1.

A-L : Le moment le plus émouvant ?
Julien Fébreau : C’était sans doute l’image de Pierre Gasly, le trophée dans les mains, les yeux tournés vers le ciel. On sait qu'il pensait à Anthoine (Hubert). C’était le moment qui m’a le plus serré la gorge, c’était très symbolique.
A-L : On en oublierait presque le départ de la famille Williams après Monza.
J.F : C'est vrai. J’ai tout de même veillé à le dire. La réalisation internationale a montré les images et les radios des pilotes Williams - Russell et Latifi ont remercié Claire Williams lors de son dernier Grand Prix en F1. Il y a eu quelques courtes séquences. Malheureusement, ils ont été dépassés par une actu plus forte.