L'Amérique regorge d'histoires plus folles les unes que les autres. Mais cette affaire, qui met en cause Michelin, tout le monde s'en serait passé volontiers. L'histoire entre la Formule 1 et les États-Unis n'a rien d'une idylle d'antan, au contraire… La catégorie reine du sport automobile a du mal à se faire une place de l'autre côté de l'Atlantique, comparée à l'IndyCar ou le NASCAR, et ce n'est pas ce genre d'épisode qui pourra redorer son blason. Explications.
Michelin, cause de tous les problèmes
À quelques heures des premières séances d'essais libres du Grand-Prix des États-Unis 2005 sur le circuit de l'Indianapolis Motor Speedway, une rumeur enfle au sein du paddock. On entend dire que les pneumatiques arrières de Michelin ne seraient pas fiables en course, et notamment dans ce fameux virage 13, l'un des plus éprouvants de la saison pour les gommes des monoplaces.
La rumeur devient réalité lorsque Ralf Schumacher, au volant d'une Toyota, perd le contrôle de sa monoplace à plus de 300km/h. Un accident sans gravité heureusement, mais un constat s'impose. La roue arrière gauche s'est bel et bien dérobée dans la courbe. Il sera remplacé pour le reste du week-end par Ricardo Zonta, le troisième pilote de l'équipe, et subira lui aussi le même problème. Pourtant, les qualifications se tiennent comme prévu, et Jarno Trulli, son coéquipier, décroche la première pole de l'histoire de Toyota.
Réunion d'urgence et potentiel crise en devenir
Michelin prend immédiatement contact avec la FIA, et tente de faire venir en urgence, des pneumatiques plus résistants d'Espagne, pour la course du lendemain. Mais l'entreprise française n'arrive cependant pas à identifier l'issue du problème, pointant du doigt un virage 13 trop exigeant nécessitant des gommes spécifiques. Elle propose même d'installer une chicane, pour répondre à cette gênante problématique. Une ombre de plus en plus opaque pèse désormais sur la course du dimanche.
Lors de cette réunion, tous les patrons d'écurie sont évidemment alarmés, après les accidents des deux Toyota. En effet, la règlementation de l'époque prévoit en plus d'utiliser les mêmes pneus aux essais et en course. Tous sont présents, excepté un certain Jean Todt, patron de la Scuderia Ferrari à l'époque. Les monoplaces, tout de rouge vêtue, sont chaussées de pneus Bridgestone et ne sont donc pas concernés par cette réunion de crise. La FIA rejette la proposition de Michelin pour l'installation d'une chicane et maintient la course.
Une grille de départ désertée
Pour les 7 écuries équipées de pneus Michelin, la nuit a dû être courte et tumultueuse. On a beau retourner le problème dans tous les sens, le constat reste le même, la sécurité des pilotes en course ne sera pas certifiée. Lors du tour de formation, l'imbroglio est total et le suspens de mise. Ni les fans, ni les journalistes ne sont au courant de la suite des affaires.
Après le tour de formation traditionnel, Trulli malheureux poleman du jour, prend les devants et rentre au stand sur ordre de son écurie. Les 13 autres monoplaces concernées suivront la marche, à l'instar du leader du championnat, Fernando Alonso chez Renault. Il ne reste que les Ferrari, esseulées, les deux Jordan et Minardi en fond de grille. Le public commence à comprendre ce qui se trame, on est parti pour le Grand-Prix le plus étrange de la Formule 1.
De nombreux fans quittent le circuit, le reste manifeste sont mécontentement. Michael Schumacher s'imposera dans une course anecdotique devant son coéquipier Rubens Barrichello, le seule victoire de l'année pour le futur ex-champion du monde en titre. Le pilote Jordan, Tiago Monteiro complète le podium.
"Cela va laisser un goût amer dans la bouche des gens pendant longtemps", déclare David Coulthard, pilote Red Bull, à la chaîne de télévision britannique ITV. "Franchement, c'est embarrassant pour un pilote de se retrouver dans cette situation. Le problème est que des gens adultes n'ont pas réussi à proposer à tous un spectacle. C'est un jour très triste pour la course automobile."
Michelin tentera le tout pour le tout
"C'est très frustrant pour toute l'équipe, pour les pilotes et pour la F1 en général, en particulier ici, devant le public américain, se désole Jarno Trulli à l'issue de la course. Mais on ne pouvait pas éviter cette situation. Nous étions en danger et nous le savions. Il était clair que les voitures chaussées de pneus Michelin ne pouvaient pas participer à la course."
Quelques jours plus tard, Michelin déclarera à travers un communiqué vouloir rembourser les fans, venus assister à ce fameux Grand-Prix des États-Unis 2005 et se propose d'acheter 20 000 billets pour le Grand-Prix, l'année suivante.
Pour Bernie Ecclestone, le grand patron de l'époque, l'avenir de Michelin en F1 et du championnat aux États-Unis s'assombrissent : “Ce n'est pas bon sur les deux fronts“. Effectivement, après un énième évènement raté en 2007 avec des tribunes quasi vides, la Formule 1 ne passera plus par la case États-Unis, jusqu'en 2012. Retour alors à Austin. Jusqu'à la prochaine polémique ?