Au retour de Renault en Formule 1 en 2016, l'objectif affiché était clair. Revenir parmi les tops teams. Incarné par Cyril Abiteboul, patron de l'écurie jusqu'en 2020, ce projet a rapidement été envisageable au regard de leur progression très rapide de 2016 à 2018. En effet, en 2018, l'écurie a enregistré son meilleur résultat en Formule 1 depuis 2008, 10 longues saisons plus tard. Après une absence de près de 5 ans en F1 de 2011 à 2016 (passés sous le nom Lotus), l'écurie française avait l'espoir de poursuivre cette dynamique de revenir au top niveau.
Par la suite, ce plan a été incarné par le recrutement de Daniel Ricciardo en 2019, pilote de renom qui cherchait à repartir de l'avant au sortir d'une saison difficile avec son coéquipier Max Verstappen. Vu comme le potentiel héros de Renault, Ricciardo s'est retrouvé au volant d'une voiture mal née, en deçà des objectifs affichés. Cette saison 2019, vécue comme un échec par les dirigeants de Renault a servi à revoir les manières de faire, les éléments à améliorer de leur monoplaces. Cet déconvenue a porté ses fruits l'année suivante.
En 2020, la saison s'est avérée tronquée par la pandémie de coronavirus et par des confinements qui ont stoppé la F1 durant de nombreux mois. Malgré l'annonce du départ de Ricciardo alors que la saison n'avait pas encore commencé, l'exercice 2020 de Renault s'est avéré très intéressant. L'écurie française a, à trois reprises, retrouvé le podium par l'intermédiaire de Ricciardo et d'Ocon. L'Australien a laissé sa trace chez Renault en étant le premier à ramener l'écurie sur les podiums. Cependant avec une 5ème place au classement constructeurs, Renault a encaissé une certaine régression face à McLaren et Racing Point alors que Ferrari était loin des débats.
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Cette saison a malgré tout marqué un tournant dans le plan d'Alpine. Avec un moteur performant et assez fiable, l'écurie française pouvait nourrir de grands espoirs pour la suite. Cependant, avec de nouveaux dirigeants à la tête du groupe Renault, la restructuration était surprenante mais inévitable. Cyril Abiteboul fut le premier éjecté même s'il a été l'un des grands fondateurs de ce retour sur les podiums. Laurent Rossi prend la place d'Abiteboul mais avec un rôle plus global sur tous les plans. L'écurie passe du nom de Renault à Alpine pour incarner l'aspect sport de la marque. La restructuration s'est faite à de nombreux points avec des départs et des recrutements qui ont changé l'équilibre de l'écurie.
Or, en 2021, Fernando Alonso a rejoint l'équipe et a été par ailleurs un énorme coup marketing pour l'écurie. Malgré son âge avancé, Alonso a apporté de la fraîcheur en même temps que son expérience forte de nombreuses années en F1. Malgré ces grands changements, Alpine a réalisé une saison complète même si elle s'est une nouvelle fois montrée dépassée par McLaren et par le retour de Ferrari aux devants. Le point d'orgue de ce retour la victoire d'Esteban Ocon en Hongrie, point de réussite majeure pour l'écurie française malgré l'échec de l'objectif de revenir au sein des tops teams.
Toujours 5ème au constructeurs en 2021, Alpine cherche encore de la régularité et de la performance au travers de résultats plus difficiles qui viennent nuire aux exploits de l'écurie. Ces 5 ans, résumés en quelques lignes, sont le retour d'un bilan difficile teint entre réussites et manque de régularité, entre objectifs et attentes élevées et budget plus limité. Ce retour du groupe Renault est finalement contrasté malgré des résultats parfois paradoxalement opposés à de multiples GP sans briller.
Battre McLaren en 2022, un objectif envisageable ?
L'année 2022 marque un tournant pour le monde de la F1. De nouvelles voitures, un nouveau règlement et l'espoir pour tout un chacun de retrouver les sommets de la Formule 1. En effet, en faisant table rase des concepts de 2021, les F1 2022 permettent à chaque écurie de repartir de zéro et d'espérer se battre pour la victoire. C'est dans cette optique qu'Alpine se place, avec l'espoir d'enfin se battre pour des victoires. Or, la réalité de la Formule 1 est là. Les budgets ne sont pas les mêmes, les infrastructures aussi, les inégalités entre les équipes toujours présentes. Les écuries les plus rapides se sont vite illustrées. Ferrari, Red Bull, Mercedes et McLaren (à Barcelone) ont réalisé des essais hivernaux prometteurs. Malgré les attentes, la grande absente de cette liste reste Alpine toujours deçà de ses promesses.
Même si elle se montre plus régulière l'A522 ne montre toujours pas le visage d'une voiture capable de se battre pour des victoires à la régulière. La première manche de cette saison a même été une déception au regard des performances de Haas et Alfa Romeo qui ont mieux performé qu'Alpine. Cependant, avec une 7ème et une 6ème place après les deux première courses de la saison, Esteban Ocon s'est vite montré à l'aise avec sa voiture.
Derrière les inévitables 3 top teams, Alpine avait alors sa carte à jouer face à des écuries moins disposées à développer comme les deux citées précédemment. Or, McLaren est vite revenue dans le jeu après ses deux courses ratées à l'entame de la saison. Le podium de Lando Norris à Imola a vite remis les pendules à l'heure dans le peloton et l'écurie de Woking a repris sa 4ème place aux constructeurs.
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Cependant, même si Norris performe, Ricciardo reste en retrait et empêche McLaren de s'envoler au championnat. Avec un petit matelas d'avance, Alpine alors au contact avec Alfa Romeo, peut espérer renouer contact avec sa rivale britannique. Au sortir de la 8ème manche du championnat du Monde, Alpine se retrouve à 18 longueurs de McLaren au championnat. Un retard déjà conséquent mais pas rédhibitoire pour l'écurie française qui a perdu de gros points sur des pénalités. En effet, à Miami, Alpine a perdu deux points avec Alonso (si ce n'est plus) et à Monaco, Ocon en a lui aussi perdu 2. Des petits points qui pourront coûter cher par la suite.
Les motifs d'espoir sont cependant présents pour Alpine. L'écurie basée à Enstone se montre très active et efficace en développement. De plus, sur chaque circuit, elle arrive à maximiser ses performances avec des réglages intéressants comme vu à Bakou lors du dernier Grand Prix. L'Alpine s'était montrée avec un moteur rapide et des réglages propres à la piste azerbaïdjanaise qui ont porté leurs fruits avec un total de 7 points engrangés, un de plus que McLaren et ses 6 points.
À chaque course, Alpine parvient à régler sa voiture au mieux à défaut de pouvoir l'améliorer sur le long terme. Cependant, l'écurie française évolue dans sa compréhension de la voiture, et montre qu'elle peut s'adapter à tous types de circuits avec des petits réglages et des changements. La vitesse de pointe enregistrée à Bakou servira sans doute aussi au Canada avec les longues et multiples lignes droites du circuit Gilles Villeneuve. La 4ème place au constructeurs est encore loin, mais la ligne de mire est présente. Les améliorations prévues pour l'Angleterre et l'Autriche, des horizons d'espoir pour Alpine.
'El Plan', le plan d'Alpine pour retrouver les sommets
Même si le combat pour 2022 reste encore long et disputé, Alpine voit sur le long terme. À défaut d'avoir pu rejoindre les top teams comme l'écurie l'annonçait sous le leadership d'Abiteboul, l'écurie repousse son objectif. Un peu plus aidée par le budget cap qui limite les dépenses des équipes, Alpine peut envisager développer comme ses consœurs grâce à des infrastructures importantes à Enstone et Viry-Châtillon. Avec un budget inférieur comme depuis de nombreuses années, Alpine peut compter sur ces limitations pour recoller sur les teams qui la devancent.
Cependant ce processus sera long et a pour point de chute les saisons 2025 et 2026. En effet, l'objectif est de réaliser un retour au top avec un compte limité de 100 Grands Prix, soit environ 4 saisons. Le point de chute est donc attendu pour la saison 2026 au rythme de 22-23 courses par saison.
Intérrogé par la Formula One Management (FOM), Otmar Szafnauer, a avoué avoir foi en ce projet ambitieux. Même si chaque écurie espère à tout prix remporter la mise. "Aujourd’hui, c’est un objectif ambitieux mais pas déraisonnable. Nous devons être réalistes, tout le monde a ce type d’objectif. Les gens qui gagnent des courses aujourd’hui… les trois premières équipes qui, n’importe quel dimanche, peuvent gagner une course, ne vont pas prévoir de ne pas gagner de courses dans 100 courses", rappelle le team principal d'Alpine. "Et plus vous vous rapprochez du sommet, plus il est difficile de les déloger. Nous avons parlé d’Aston - ils avaient un plan de cinq ans l’année dernière pour gagner, donc cette année, il reste quatre ans. Ils font la même chose, et si vous demandez à McLaren, ils vous diront probablement : "Hé, nous voulons gagner aussi !". »
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Entre difficulté et espoir, le Roumano-américain noue des espoirs de réussite à ce projet. "Donc ce n’est pas facile, et il n’y aura qu’un seul vrai gagnant dans le championnat. Mais même si c’est un objectif ambitieux, c’est un objectif réalisable. Nous avons suffisamment de temps pour mettre en place les bons éléments pour gagner. On a notre propre groupe motopropulseur, qui est l’un des principaux éléments. Nous sommes libres de choisir les meilleurs pilotes que nous pouvons trouver, c’est un autre élément important".
En effet, Alpine a de nombreux atouts pour performer. Il ne reste plus qu'à en tirer la quintessence pour mettre chaque élément bout à bout afin de réussir ce projet. "Et puis faire un excellent travail sur le châssis, l’aérodynamique, la compréhension des pneus, toutes ces choses importantes, nous y travaillons dur. Donc oui, je pense que les ingrédients sont là, nous devons juste travailler avec les ingrédients - et faire un gâteau très savoureux !"
En attendant, Alpine compte bien venir poser des problèmes pour acquérir la 4ème place constructeurs. Après tout, le projet 'El Plan' dépend aussi des fonds récoltés chaque saison par l'écurie. Et pour cela, chaque position au classement constructeurs ainsi que chaque point inscrit a son importance. Pour réussir un tel projet, il faut optimiser chaque opportunité. Or, cela, Alpine le sait déjà.