L'ex-pilote d'essai de la Renault F1 Team, Franck Montagny, revient avec nous sur sa carrière, sa vision du métier de journaliste et la suite des opérations pour la saison 2020 :
T’es ou ?
(Franck Montagny) : Pour l’instant, je suis en Bretagne. Je suis dans ma belle-famille à Locquirec, il y a 1000 personnes à tout casser (plus de 1300 en réalité). On a un grand jardin, la mer juste à côté…
Sport ou apéro ?
(F.M) : En ce moment, les deux…. Mais si je fais deux jours d’apéro ! Le lendemain, je me dis qu’il faut faire du sport (rires).
Il faisait quoi le troisième pilote d’il y a 15 ans ?
(F.M) : Je faisais plus de kilomètres que Fernando Alonso et Jarno Trulli dans la saison. Le troisième pilote, en une journée, il va se taper ce que le pilote titulaire va faire en trois jours, c’est énorme. Sauf qu’aujourd’hui, il y a les simulateurs, tu n'es plus dans la réalité. C’est ça la différence.
Des regrets de ton passage chez Renault ?
(F.M) : C’est un peu frustrant, parce que s’ils ont décidé de te donner ta chance, tu peux y aller. Et sinon, t’attends. C’est moi qui devait rouler, on avait atteint tous les objectifs de l’équipe. Puis Flavio (Briatore) m’appelle, et me dit : « Demain, je vais faire rouler Jacques (Villeneuve) dans la voiture… On verra au niveau des temps.“ Mais Jacques, il n’a rien inventé, moi je roule toute l’année dans l’auto, il était à 1'4 seconde La vérité, c’est qu’on a décidé que ce serait Jacques qui roulerait, basta.
Tes débuts chez Canal + ?
(F.M) : Pour la petite histoire, c’est Thomas Senecal qui m’appelle, il me dit « J’aimerai bien que tu fasses ça… » Mais moi je ne savais pas du tout m'y prendre. Il me dit que ça allait le faire, qu'on ferait des tests… Au début, il me mettait des scotchs au sol sur la pitlane, parce que dès que j’avais la caméra en face de moi, je me barrais. Je ne voulais pas être en face.
T’es un journaliste pas comme les autres ?
(F.M) : J’ai vraiment l’impression d’avoir faire découvrir une autre facette de la F1. Si tu analyses tout ce qu’ils disent (les pilotes), grosso modo, qu’ils soient premier ou dernier, c’est à peu près la même chose. Du coup, je suis parti du principe qu’il fallait raconter ce qu’il se passait dans la pitlane.
Et comment tu le fais ?
(F.M) : Pour raconter ce qu’il se passe dans la pitlane, faut aller voir les mecs de la pitlane. Ce sont des gars qui sont tout en bas de l’échelle, et à qui on ne demande jamais son avis. C’est eux qui vont te raconter l’histoire de la voiture. Et en F1, si tu as une chèvre, tu roules dernier, si tu as la bonne caisse, tu roules devant. Donc pour moi, c’est la voiture qui fait la différence, pas le pilote.
Le pilote le plus frais du moment ?
(Franck Montagny) : Pour moi, (Max) Verstappen c’est le pilote le plus frais du moment. Par contre, le meilleur, le plus complet, c’est (Lewis) Hamilton.
Le “Tour de Franck“ ça vient d’ou ?
(F.M) : C’est encore Thomas. Il a plein de bonnes idées. Quand il m’a vu faire dans le paddock, il m’a dit « on va faire une présentation du circuit ». Première chose qui est venu, c’est quand je me suis assis sur le circuit. On a regardé les rushs, on s’est dit ça, ça marche !
Ton préféré ?
(F.M) : Je sais pas, il y en a certains où on a vraiment fait les cons. Entre les quads sur deux roues, les skateboards électriques, les vélos… Tous les tours sont à peu près unique. Je m’éclatais plus au début forcément. Maintenant la difficulté, c’est de se creuser la tête pour trouver de nouvelles choses.
Un mot sur Pastor Maldonado ?
(F.M) : Des mecs capables de rouler en F1, j’en connais plein. Mais par contre, un mec qui est capable d’aller chercher des sous auprès de son gouvernement, suffisamment pour se faire un salaire, payer l’équipe et rouler dans une F1 qui soit capable d'être devant… Et pas ça sur un one shot, sur plusieurs années. Le mec a montré qu’être pilote de Formule 1, c’est pas juste tourner un volant. Il faut être bon dans tous les domaines. Pour moi, c’est ça un vrai pilote.
L’équipe Canal + absente au GP d’Australie, ta réaction ?
(F.M) : Je pensais que mon équipe était déjà parti le lundi matin, ils avaient l’avion à 10h. On s’envoie des textos, ils sont à l’aéroport. Moi je pars un jour après à chaque fois. Je me suis dit "C’est pas possible, non". Et puis on nous dit qu’on allait le faire de Paris. Sauf que moi, le faire de Paris c’est bien, mais je n’ai pas la même matière. Au final, on a rien fait du tout. C’était juste un « no-show ».
La suite de la saison, ça va donner quoi ?
(F.M) : Je pense qu’il va avoir des Grands-Prix à huis clos. Ca me parait sur, on va être capable de maitriser humainement, techniquement. Mais, comment s’organiser autour ? Sans spectateur ? Ça va être compliqué, ce sera une année complètement différente et un championnat atypique.
Inquiet pour l’avenir de la discipline ?
(F.M) : J’ai du mal à voir ce qui va se passer la semaine prochaine, alors l’année prochaine… Tu m’appelles en décembre, et on refait un point.
Qu’est-ce qui manque à la F1 ?
(F.M) : Moi ce que je veux, c’est voir des mecs qui ont le coeur qui monte à 200. Non pas parce que la voiture est difficile, mais parc qu’ils sont les uns derrière les autres, en train de se doubler, en train de réfléchir en même temps qu’ils conduisent. C’est ce qu'on a besoin de voir en course automobile.
La nouvelle règlementation des budgets, ça pourrait aider ?
(F.M) : Aujourd’hui, Mercedes a 450 millions de budget, 150 millions pour le milieu de tableau, quand le bas dépense 40 millions. La bataille est biaisée. C’est une bonne chose de réduire. Le problème, c’est que plus on retarde cette échéance, plus les équipes vont dépenser, sur ce nouveau règlement. Ça aurait été mortel qu’on prenne tout le monde de court, et de dire, l’année prochaine c’est 100 millions avec ce règlement là, et vous avez 5 mois pour trouver une solution.
Un dernier mot pour la route ?
(Franck Montagny) : Continuez à bien regarder les courses de F1 sur Canal +, suivez-nous sur les réseaux. Amusez-vous, soyez heureux, et si ça sort avant la fin du confinement, restez bien chez vous.